Dédale et (son fils) Icare dans
Les métamorphoses d'
Ovide.

La traduction et les informations qui suivent sont issues du très bon site
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Les analyses du mythe par jean Schumacher, sous les onglets "Introduction" et "Conclusion", sont essentielles.
Je place les deux textes précédant le passage traitant de Dédale et Icare afin de resituer leur aventure dans le contexte.
Le Minotaure et le Labyrinthe (VIII, 152-168)
La flotte de Minos rentre dans les ports de Crète; le vainqueur immole cent taureaux à Jupiter, et suspend dans son palais les dépouilles des vaincus. Cependant, opprobre de son lit, fruit horrible d'un adultère odieux, le monstre à double forme croissait de jour en jour. Minos veut dérober au monde la honte de son hymen : il enferme le Minotaure dans l'enceinte profonde, dans les détours obscurs du labyrinthe. Le plus célèbre des architectes, Dédale, en a tracé les fondements. L'œil s'égare dans des sentiers infinis, sans terme et sans issue, qui se croisent, se mêlent, se confondent entre eux.
Tel le Méandre se joue dans les champs de Phrygie : dans sa course ambiguë, il suit sa pente ou revient sur ses pas, et détournant ses ondes vers leur source, ou les ramenant vers la mer, en mille détours il égare sa route, et roule ses flots incertains. Ainsi Dédale confond tous les sentiers du labyrinthe. À peine lui-même il peut en retrouver l'issue, tant sont merveilleux et son ouvrage et son art !

La Couronne d'Ariane (VIII, 169-182)
Enfermé dans le labyrinthe, le monstre, moitié homme et moitié taureau, s'était engraissé deux fois du sang athénien. Après neuf ans, il tomba sous les coups du héros que le sort d'un troisième tribut condamnait à être dévoré. Thésée, à l'aide du fil d'Ariane, revient à la porte du labyrinthe qu'avant lui nul autre n'avait pu retrouver. Soudain, il part avec sa libératrice; il dirige ses voiles vers l'île de Naxos, et sur ce rivage l'ingrat abandonne celle qui l'a sauvé. L'écho des rochers retentissait de ses plaintes et de ses cris. Bacchus paraît, et dans les bras du dieu qui la console, le héros est oublié. La couronne d'Ariane, de son front par le dieu détachée, est lancée vers le ciel; et tandis que d'un vol rapide elle fend les airs légers, les saphirs dont elle brille sont changés en étoiles : elle conserve sa forme, et se place entre Hercule à genoux et Ophinée, qu'on reconnaît au serpent qu'il tient dans ses mains.
Dédale et Icare (VIII, 183-235)
Cependant Dédale, que lasse un long exil, ne peut résister au désir si doux de revoir sa patrie. Mais la mer qui l'emprisonne est un obstacle à ses désirs : de la terre et de la mer Minos, dit-il, me ferme le passage, la route de l'air est libre, et c'est par là que j'irai. Que Minos étende son empire sur la terre et sur les flots, le ciel du moins n'est pas sous ses lois. Il dit, et d'un art inconnu occupant sa pensée, il veut vaincre la nature par un prodige nouveau. Il prend des plumes qu'il assortit avec choix : il les dispose par degrés suivant leur longueur; il en forme des ailes. Telle jadis la flûte champêtre se forma, sous les doigts de Pan, en tub
es inégaux. Avec le lin, Dédale attache les plumes du milieu; avec la cire, celles qui sont aux extrémités. Il leur donne une courbure légère; elles imitent ainsi les ailes de l'oiseau. Icare est auprès de lui; ignorant qu'il prépare son malheur, tantôt en folâtrant il court après le duvet qu'emporte le Zéphyr, tantôt il amollit la cire sous ses doigts, et par ses jeux innocents, il retarde l'admirable travail de son père. Dès qu'il est achevé, Dédale balance son corps sur ses ailes; il s'essaie, et s'élève suspendu dans les airs.
[203] "En même temps, il enseigne à son fils cet art qu'il vient d'inventer : "Icare, lui dit-il, je t'exhorte à prendre le milieu des airs. Si tu descends trop bas, la vapeur de l'onde appesantira tes ailes; si tu voles trop haut, le soleil fondra la cire qui les retient. Évite dans ta course ces deux dangers. Garde-toi de trop approcher de Bootès, et du char de l'Ourse, et de l'étoile d'Orion. Imite-moi, et suis la route que je vais parcourir". Il lui donne encore d'autres conseils. Il attache à ses épaules les ailes qu'il a faites pour lui; et dans ce moment les joues du vieillard sont mouillées de larmes; il sent trembler ses mains paternelles; il embrasse son fils, hélas ! pour la dernière fois: et bientôt s'élevant dans les airs, inquiet et frémissant, il vole devant lui. Telle une tendre mère instruit l'oiseau novice encore, le fait sortir de son nid, essaie et dirige son premier essor. Dédale exhorte Icare à le suivre; il lui montre l'usage de son art périlleux; il agite ses ailes, se détourne, et regarde les ailes de son fils.
[217] Le pêcheur qui surprend le poisson au fer de sa ligne tremblante, le berger appuyé sur sa houlette, et le laboureur sur sa charrue, en voyant des mortels voler au-dessus de leurs têtes, s'étonnent d'un tel prodige, et les prennent pour des dieux. Déjà ils avaient laissé à gauche Samos, consacrée à Junon; derrière eux étaient Délos et Paros. Ils se trouvaient à la droite de Lébynthos et de Calymné, en miel si fertile, lorsque le jeune Icare, devenu trop imprudent dans ce vol qui plaît à son audace, veut s'élever jusqu'au cieux, abandonne son guide, et prend plus haut son essor. Les feux du soleil amollissent la cire de ses ailes; elle fond dans les airs; il agite, mais en vain, ses bras, qui, dépouillés du plumage propice, ne le soutiennent plus. Pâle et tremblant, il appelle son père, et tombe dans la mer, qui reçoit et conserve son nom.
Son père infortuné, qui déjà n'était plus père, s'écriait cependant : "Icare ! où es-tu ? Icare ! dans quels lieux dois-je te chercher ?" Il aperçoit le fatal plumage qui flotte sur les eaux. Alors il maudit un art trop funeste; il recueille le corps de son fils, l'ensevelit sur le rivage, et ce rivage retient aussi son nom.
